OPEN from Monday to Tuesday, 11h - 19h ✨✨✨

Interview Palefroi 2017


I N T E R V I E W

 

Le duo d’artistes Palefroi, basé à Berlin, expose à la SLOW Galerie du 7 juin au 1er juillet 2017.
L’entretien mené par Julie Abricot a été réalisé le jour du vernissage.
Les photographies sont de Camille Delahaye.

 

 
 

 

Que signifie Palefroi ? Si cela a un sens ?

Marion : Ce mot existe bien. Il s’agit d’un cheval au Moyen Âge que montaient les nobles. C’était un cheval de parade, la Ferrari de l’époque médiévale. C’est d’ailleurs de là que vient le terme palefrenier. J’aime le Moyen Âge, c’est une de mes sources principales d’inspiration. «Palefroi» est un mot peu connu mais qui apporte de l’ironie à notre production. Cela a un côté existentiel : un cheval prestigieux mais qui ne servait à rien – ce terme est un moyen de se rappeler de ne pas se prendre trop au sérieux.


Vos travaux print sont des exemplaires uniques. Est-ce que les productions en noir & blanc qui tapissent nos murs le sont aussi ? Quel est le rôle de ces motifs ?

Damien : Les photocopies en noir et blanc sont des dessins de recherche qui ont été agrandies et qui ont contribué à l’élaboration de notre travail d’exposition. Ces tirages sont aussi inclus dans la publication Médiums. Ils n’ont pas prétention à être uniques et très souvent il n’existe pas d’originaux en dehors des sérigraphies. Ces dernières ne sont pas des reproductions. L’édition constitue l’original. Pour préparer l’exposition, on a réalisé ensemble des dessins de manière intensive sur trois à quatre jours, ce qu’on ne fait jamais d’habitude. L’idée était celle de la vision, de l’optique, de l’apparition. On a suivi plusieurs énoncés simples et ludiques pour dessiner en temps limité et voir ce qui en découlerait. J’ai essayé des scènes que Marion pourrait dessiner et vice-versa pour elle.

 

 

Qu’est-ce que votre ami vous a concrètement soufflé? [ndlr lire la note d’intention]

Marion : Aymeric est un ami praticien de Shiatsu, une technique de soin japonaise en lien avec les énergies. Suite à un incendie chez lui, on l’a accueilli près d’un mois. Son univers est totalement différent du nôtre. Il nous a enseigné des choses sur la réincarnation, la transmission d’énergie par le souffle, la méditation, le face à face et autres notions jusque là étrangères pour nous. Il a réussi à nous partager son imaginaire car même si on était en total décalage, on avait une oreille attentive à ses propos, sans porter de jugement. On tenait donc à le mentionner dans l’exposition puisque sans lui, on aurait dessiné autrement.
On a décidé d’accueillir ce qu’il nous proposait. Dans cette ambiance, on s’est alors amusé à dessiner dans le noir avec des musiques de méditation en fond sonore, censées développer nos performances cérébrales grâce aux fréquences.

 

 

Le conflit : fil rouge de votre travail. D’habitude extérieur, ici intérieur.
Quel est votre ressenti après cette expérience artistique thérapeutique ?

Marion : C’est une négociation permanente entre Damien et moi qui s’effectue, mais on s’ajuste de plus en plus. Nos regards commencent à mieux cohabiter. Au début Damien ne dessinait pas. Il se cantonnait au collage abstrait et moi au dessinfiguratif. Un processus d’échange était donc nécessaire pour qu’aucun de nous ne se sente annihilé.
Au-delà de ça, il est vrai qu’on s’intéresse beaucoup aux scènes conflictuelles, aux situations de résistance comme à Zaatcha (ndlr la bataille en Algérie de 1849) dans le fond et la forme esthétique.

 

 

Visions et apparitions étaient le point de départ de notre série d’affiches « Creuser le Mal ». On a regardé un bon nombre d’images de spiritisme. Damien a exécuté ce que j’aurais pu dessiner selon des visions. Mais à la fin une toute autre histoire, celle de la confrontation et de la relation sur notre travail commun, est apparue. Une écriture quasi automatique s’est également installée pour la rédaction des titres des oeuvres.

Damien : C’est la première fois qu’on s’organise de cette manière et peu importe le résultat, notre pratique en ressort bien nourrie. C’était aussi le cas pour la préparation d’une autre exposition. Contrairement à avant, on accepte mieux la personnalité de l’autre, sans vouloir imposer son propre regard. Notre rapport de confiance s’est amélioré.

Marion : Il nous est possible maintenant de travailler séparément tandis qu’autrefois on se sentait obligé de produire un travail à quatre mains. Par ailleurs, fournir des publications faisait parti prenante de notre travail. Je le sens plus complet. Les affiches à elles seules manqueraient de consistence.

 

 

Pourquoi cette distinction chromatique et de médiums entre les productions ? Sont-ce des interprétations de ce qu’aurait interprété l’autre ? Quel a été votre rapport à la couleur ?

Damien : Il n’y a pas eu de véritable réflexion sur la couleur. Par contre, il est vrai qu’on a essayé de reproduire en sérigraphie des dessins originaux.

Marion : Notre approche a surtout été celle d’échanger les rôles. Damien s’est mis a utiliser la couleur à ma manière et moi à l’inverse, je suis restée dans un registre sobre, limitée à deux couleurs. On avait envie de sortir du noir & blanc de nos précédentes expositions, même si l’on reste fortement attaché à la simplicité et à la photocopieuse.

 

 

Inspiration d’un texte ésotérique en particulier ?

On s’est en fait appuyé sur plusieurs sources mais sans lire ce genre d’ouvrages. Les expériences de notre ami Aymeric ainsi que des recherches iconographiques sur les apparitions et le spiritisme ont permi de nourrir notre travail. C’est surtout l’esthétique dégagée par l’ésotérisme qui nous a séduit.

 

Est-ce que vous considérez ce travail, à la manière de Derrida, d’autoportrait(s) ?

Damien : Non. C’est la thématique de la vision qui nous a principalement intéressé dans la conférence À dessein le dessin de Derrida. Les questions de lignes, son écriture dans le noir, dans sa voiture ont été autant de pistes qui ont su guider nos expérimentations.

Marion : J’ai laissé tomber le livre au bout de vingt pages [rires].

 

 

Est-ce que vous pouvez me parler des deux oeuvres Synthèse ?

C’était d’abord la résolution d’un problème purement pratique, c’est-à-dire de fournir des plus grand formats pour l’exposition. Ces deux illustrations s’inpirent de la même série de dessins que pour le reste de l’accrochage. On manipule toujours les papiers dans notre travail et donc pour Synthèse, on a sélectionné quatre dessins de Damien et un des miens pour la partie centrale. Toutes des images fortes. Synthèse A revisite L’Annonciation de Fra Angelico et Synthèse B la relation
de dominant/dominé.